Le 4 juin dernier avaient lieu "Les Rencontres Multimédia" organisées par la Fondation 3 Suisses et le Club Européen du Multimédia.

Au lendemain des législatives, l'intitulé est d'autant plus justifié...

LA CYBERPOLITIQUE

De bons fichiers audio, de moins bonnes photos, sur le site http://www.marianne-en-ligne

Les intervenants présents :

Philippe Collier : rédacteur en chef du Quotidien du Multimedia.

Alain Le Diberder : Directeur des nouveaux programmes de Canal +

Olivier Puech : Journaliste pour Le Monde en ligne

Frédéric Reiller : Rédacteur en chef de Hachette Net

Hugo Sada : Rédacteur en chef de Média France Intercontinent et du site de RFI

Laurent Sorbier : chargé de mission au Cabinet du Ministre délégué à la Poste, aux Télécommunications et à l’Espace

Jean-Noël Tronc : chargé de mission sur les Réseaux d’information au Commissariat Général du Plan.

Yves Calmejane : Journaliste pour TF1

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A l’instar des pays anglo-saxons, la campagne législative française s’est vue relayée pour la première fois par l’Internet. Plusieurs sites on-line sont nés, souvent dans la précipitation de la dissolution. Il s’agit principalement des sites officiels des différents partis, et des sites de journaux, radios, et télévisions (Libération, Le Monde, RFI, France3) reprenant leurs informations.

Ce débat s’enquiert précisément de l’intérêt de projeter la politique sur le Web, et de son éventuel impact sur la jeune génération.

Un rapide zapping de ces quelques sites atteste d’un premier rôle de l’Internet. Il est tout d’abord un outil de diffusion complémentaire des média traditionnels, voire l’unique source d’information pour les expatriés ou tout étranger intéressés par l’actualité politique française. Il permet alors d’intégrer de façon quasiment instantanée l’information.

François Railler a répertorié les sites politiques français. S’il en dénombre quelques uns plus proches de l’esprit " café du commerce ", en revanche d’autres, très actifs, semblent prédire une rapide maturité des Français pour la " cyberpolitique ". Et ce, d’autant que la dissolution n’a laissé qu’un mois pour organiser cette vie on-line.

Pourtant du côté des politiciens, Laurent Sorbier note l’absence de discours politique fort concernant la société de l’information durant la campagne - notamment du à l’appréhension et au peu de connaissances des Français propres aux nouvelles technologies.

Dépassant les forums de discussion, Alain Lediberder présente le 2M comme la première expérience de politique virtuelle. Ici, on parle de citoyens et non plus d’abonnés...

En quoi consiste cette activité politique ?

A l’opposé des communautés américaines, très " politiquement correctes ", dont les règles parfaitement immuables assurent un meilleur des mondes plutôt terrifiant, l’avatar du 2M est parfaitement " actif " politiquement, c’est-à-dire apte à participer à une véritable communauté virtuelle en décidant des règles d’organisation souples. De règles que les citoyens peuvent faire évoluer dans la concertation, et par le vote démocratique.

Cette vie politique, encore embryonnaire, vient juste de faire émerger une Assemblée de citoyens élus, et les délégués de cette Assemblée. Le pari est ambitieux.

Dans ce cadre politique, l’Internet offre 3 fonctionnalités et services on-line :

- il diffuse de l’information. Cependant les supports traditionnels le font aussi.

- il est un média de communication. Mais là, on peut tout autant rétorquer que la communication est plutôt unilatérale (les candidats ne répondent pas aux mails évidemment !), ce qui l’ampute d’une grande partie de son intérêt... Malgré la rapidité et la facilité d’utilisation, il ne faut pas tomber dans l’illusion d’une " participation " de nos politiciens.

- enfin, incontestablement le point le plus intéressant : il crée des nouvelles formes de rapport entre les gens motivés. On se rapproche ici du militantisme. Tout au moins d’une renaissance d’un espace public.

N’est-il pas plus important de parler, d’argumenter, de défendre, ou de s’opposer que de voter ?

Certes seulement moins de 1% de la population est connectée à l’Internet, mais cela ne signifie pas que seuls ces 1% votent ! Cet argument fallacieux ne fait que déplacer la question ! Tout débat d’idée, toute vive discussion sont utiles et participent de la démocratie.

En cela, l’expérience du 2ème Monde se rapproche de celle du logiciel " Réinventons l’Amérique " diffusé aux Etats-Unis, tentant d’insuffler un intérêt civique aux enfants des écoles primaires.

Par ailleurs, Philippe Collier met en exergue la volonté des jeunes à s’investir de plus en plus. En effet un des premiers besoins des jeunes  - l’autonomisation- s’accompagne souvent d’une très forte revendication à l’expression ( pour s’exprimer " contre " la plupart du temps).

Et, tous les participants s’accordent à penser que l’Internet leur permet justement de s’exprimer (au moins pour les connectés). Alors que la tendance des hommes politiques (et par là, toutes les formes traditionnelles d’activité politique) est plutôt à la confiscation de la parole. C’est en ce sens, que l’Internet permet de sensibiliser les jeunes à la politique.

L’Internet remplit également un rôle de " désenclavement ", en abolissant l’isolement géographique, qui pose toujours problème pour un véritable engagement politique. De plus, il propose le plus souvent un engagement de type associatif, particulièrement attirant pour les jeunes.

Relativisons...

Prenons garde de ne pas tomber dans un débat sur la cyberdémocratie, qui risquerait vite de devenir trop théorique et abstrait. Il est évident que le Web n’est qu’un outil et qu’il ne va pas résoudre miraculeusement tous les problèmes politiques de nos sociétés. C’est de son utilisation que dépendent ses possibilités. Mais il est tout aussi évident qu’il peut jouer un rôle considérable en amont. Si le mode de résolution des conflits ne change pas, l’Internet en revanche prépare une meilleure démocratie, en ce sens qu’il favorise une prise de parole plus large et représentative. Même pour 1% des connectés....  !

Mais surtout, prenons quelque recul. Ne serait-ce pas là tout discours classique à chaque naissance d’une technologie ? Avec son cortège d’angoisses, de menaces et de mises en garde, en même temps que sa flopée de miracles annoncés et infaillibles !

Depuis les années 70 on prévoyait déjà de résoudre les problèmes de sous-développement avec l’ordinateur... Un discours de l’utopie technologique qui vient colmater les brèches de l’absence de croyance en cette fin de siècle.

Quand les idéologies politiques sont mortes, nous nous confions religieusement à la science, entre idéologie et utopie technologiques.

Ella