Les jeux vidéos ont une histoire. Courte mais intense. Déjà suffisamment riche pour en faire une solide analyse sémiologique. Du sens - dans les jeux d'actions aux jeux d'aventure - il y en à revendre.
Chaque lundi,
la rubrique des jeux vidéos par Fanny
LES JEUX VIDEO SONT ILS
DES CONTES INFORMATIQUES ?
Les jeux vidéo mettent en scène des événements, des
personnages et des épreuves issus de légendes universelles,
celles qui construisent les récits. Film, conte, poème, mythe,
roman ou encore, jeu vidéo, les histoires se ressemblent toutes.
Seule la façon de les raconter, autrement dit, le «schéma
narratif », change. Et dans ce domaine, les jeux vidéo, tout
particulièrement les jeux daction et daventure,
présentent une similitude frappante avec les contes.
Récit dune quête et dune victoire sur soi même, sur les autres et sur unenvironnement, les jeux daventure et daction sont une véritable épopée. Le parcours du joueur obéit à une logique de dépistage, dorientation, au sein dun univers complexe et souvent magique, rempli de menaces naturelles ou imaginaires. Mais au delà de ce voyage douloureux et incertain, présent dans toutes les civilisations, les événements, à lintérieur dun jeu vidéo, apparaissent et se succèdent dans un ordre semblable à celui des contes (1).
Laction démarre sur le départ du héros et sur une mise à lépreuve immédiate. Les circonstances qui ont causé ce départ ne font pas partie du récit (2). Là où les contes présentent la situation initiale, celle qui noue lintrigue, le jeu vidéo entame directement le récit par la quête (le héros et les antagonistes apparaissent spontanément) mais ensuite, ils se développent tous deux sur les mêmes fonctions de base :
(1) - Lutte contre un antagoniste ou passage dun obstacle
(2) - Marque, signe ou séquelle (blessure, perte ou gain dénergie)
(3) - Victoire
(4) - Pourvoi, obtention dun pouvoir, dun moyen, dun auxiliaire.Transmission directe, indiquée ou par le fruit du hasard.
(5) - Transfert dun royaume (dun niveau) à un autre.
(6) - Elimination du mal et acquisition de lobjet convoité (fin du jeu).
Bien sûr, ces fonctions
peuvent être couplées, groupées, isolées selon un ordre et un
rythme variable mais certaines combinaisons, [1 + 2] par exemple,
obéissent à une succession logique. Dans un jeu,
lhistoire se déroule daprès un modèle, « une
séquence narrative type » transcrite en :[1 + (2) + 3 + (4) + 5
+ 6]
(2) et (4) sont facultatives mais si le joueur naugmente
pas son pouvoir et sa connaissance, le récit va sachever
très rapidement.
Une partie où le joueur progresse jusquau dernier niveau
se schématise en :
[(1 + 2 + 3) + 4 + 5 ] + [(1 + 2 + 3) + 4 + 5 ] + [(1 + 2 + 3) +
4 + 5 ] etc..
niveau 1 niveau 2
niveau 3
où 2 = gain dénergie et non blessure
Bien entendu, la séquence [(1 + 2 + 3) + 4] se duplique à
lintérieur de chaque niveau mais lapparition de 4 ne
découle pas forcément de (1 + 2 + 3).
La structure narrative des jeux daction et daventure
est stable : 5 fonctions principales se succèdent à un rythme
de plus en plus rapide au fil du parcours, dans un ordre peu
variable. Peu nombreuses, elles sont par
contrecoup vitales pour le joueur, cest dailleurs ce
qui fait tout lintérêt du jeu.Les contes et les jeux
daction sont composés de fonctions similaires qui se
succèdent et se combinent de façon identique mais les contes
restent bien plus riches car ils utilisent beaucoup plus de
fonctions. Si les jeux vidéo sinspirent largement des
contes, ils nen sont pas pour autant, ils ne sont pas non
plus des jeux comme les autres car ces récits
modernes bouleversent la position, le rôle et les moyens
daction des différents acteurs...
(suite au prochain numéro, si DIEU LE VEUT)
(1) Selon la typologie
établie par Vladimir Jakovlévitch PROPP dans
Morphologie du conte. Gallimard, Paris, 1970, 1ère édition en
1918 à
Leningrad.
(2) La situation initiale est décrite dans le manuel de jeu ou
accessible
par loption « histoire » dans le menu du jeu.
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