Quand le besoin se fait sentir.

Il y quelques années, mon papy a eu le cancer... Il l'a gardé.

Remarquez, c'est un peu normal. On ne peut se séparer aussi facilement
d' un être qui vit en vous jours et nuits, qui vous connait mieux que personne.
On en à même vu qui discutaient avec leur cancer, c'est pour dire à quel point
le cancéreux et son cancer son liés.

Donc, mon papy avait un cancer et était très lié avec lui, si bien qu'ils sont partis
ensemble dans la tombe.

Peu de temps avant sa mort, mon papy est venu nous voir (lorsque je dis nous, il ne
s' agit pas de mon cancer et moi mais bien de mon copain et moi; Bien que je me demande si
celui-ci n'est pas aussi envahissant que le cancer... Non, mon bébé... Je rigole)
Il avait l'air pale et ses trais étaient tirés (mon papy, pas mon copain). Il avait cette
texture de peau que l'on a lorsque l'on quitte un bain trop chaud, un rien fripée. Avec
une couleur tirant sur le pas-beau vermillon avec des taches noirs-dégueux ici et là.
(j'ai tenu à préciser la texture et la couleur afin de ne pas trop dépayser les avatars
du deuxième monde).

Un soir, nous nous sommes assis sur une caillasse rougeâtre et déchirée propre aux reliefs
de part chez moi. Face à la mer, nous observions béats le soleil se coucher sur l'azur en embrasant
de ses feux les bateaux des trous du culs juilletistes venus là rien qu’exprès pour nous gacher
le paysage.

La scène était bouleversante et donc nous étions bouleversés.

Et là, mon papy, rongé par le crabe jusqu'au plus petit bout de ses épithéliums. Dévoré par la
hantise infernale de la mort stupide et assassine qui fauche au tout venant, sans haine, sans colère,
sans rien. Juste comme ça, pour de rire. Devant ce coucher de soleil balnéaire qu'il savait son dernier,
il m'a dit, comme ça, sans même me regarder, juste des mots venus de nul part...

"Ca donne envie de pisser toute cette flotte"

Après quatre vingt cinq années passées à ce battre contre la camarde, deux guerres, cinq républiques,
huit enfants et beaucoup de petits enfants, voilà la seule chose qui me reste de mon grand père.

C'est à se demander si la vie ne se fout pas de notre gueule.

Artefax