Les Petits Petons
Lautre jour, alors que je jouais avec le chien damis venus boire un verre à la maison, un incident bénin survint. Le molosse issu du croisement approximatif entre un diplodocus et un basset me donna un coup de patte sans volonté dagression (à linverse de lhumain qui donne des coups de pattes avec la ferme volonté de foutre des baffes) mais qui vint malencontreusement échouer contre la petite chaîne en or , souvenir dun amour passé, qui orne mon coup (cest la chaîne qui orne mon cou ). Bien quétant de bonne fabrication, la chaîne, ou plutôt la chaînette céda sous la patte et chue sur le sol dans un tintement fracassant (le tintement fracassant est juste là pour augmenter le coté dramatique de cette aventure somme toute sans aucun intérêt).
Après quelques coups de pieds bien placés dans le bas-ventre du chien (cest un mâle) pour le remercier de son manque de douceur, je décidais de me rendre dans les plus brefs délais chez le marchand dor en gros et demi gros le plus proche afin de faire poser le point de soudure à lor nécessaire à la réparation du petit bijou cher à mon cur.
Me voilà ty pas donc sur le chemin du super marché Leclerc (pour ne pas le citer), à la recherche dun quelconque " carrousel à bijou " où lor est au plus bas prix (mon bijoutier de la place Vendôme étant en vacances aux Seychelles et contant y rester encore quelques mois).
Je me présente donc devant lentrée du magasin et là, une espèce de microflicaillon de trois sous me toise du haut de sa superbe et me lance : "Vous ne pouvez pas entrer dans le magasin dans cette tenue, Madame ".
Stoppée dans mon élan, je vérifie au cas ou si rien ne dépasse de mon petit bustier dété acheté pour trois fois rien dans une de ces échoppes bariolées du vieux Nice où lon trouve tout et rien pour une bouchée de pain (les Niçoises savent de quoi je parle). Jen profite pour vérifier si ma jupe (certes légèrement fendue sur le côté, mais comprenez quil fait une chaleur tropicale le midi dans nos contrées), ne baille pas béatement sur mon intimité, voilée elle aussi de toute façon. Mais, rien. Pas un bout de quoi que ce soit qui dépasse et aucun bâillement juponneux intempestif.
Je demande alors au vilain vigile violent davoir tout dabord la courtoisie de mappeler Mademoiselle et ensuite de mexpliquer son trouble puisque quaucun de mes attributs nest observable sans lunettes à rayons X. Celui-ci désigne alors mes pieds. Ceux-ci ne sont pas vêtus et représentent un outrage sans nom aux normes établies de lhygiène et des bonnes murs.
Partant dun rire cristallin et ô combien innocent, je lui assure que je ne mettrais pas mes pieds dans le bac des fruits et légume, ny même dans celui des chaussures et que la vue dun pied nest plus taxée de pornographie en France depuis le XII ème siècle. Mais le douanier des caisses nen démord pas : " cest interdit dans le magasin ".
Tout en conservant un calme olympien (quoi que des observateurs attentifs aient pu remarquer un léger frémissement de la main droite. Celui-ci étant généralement annonciateur dun violent coup de patte dans la tête). Je demande alors à ce petit merdeux de bien vouloir me faire lire le document légal interdisant à lex-future cliente dentrer dans le magasin non chaussée alors que des tas de viande sans nom se vautrent sans complexe sur les plages du midi de la France assurant un spectacle si peu ragoûtant que même les mouettes, pourtant avides dordures, sempressent déviter le survol de cette zone à risque.
Le préposé au concentré de connerie me désigne donc une pancarte annonçant en lettres de sang : "tenue correcte exigée ". La loi étant ce quelle est, je décide de faire demi-tour et déviter le scandale, préférant laisser au microbe à lélectroencéphalogramme plat la joie de sa petite victoire mesquine. Sauf que .
Sauf que, dans le coffre de ma voiture, se trouve une vieille paire de palme de type JetFin (les connaisseurs apprécieront), oubliée là par mon tendre et bordélique conjoint. Ces palmes (pointure 42) feraient un excellent couvre pied et me permettraient donc de pénétrer dans lantre du géant Leclerc tout en nattirant point les foudres du gardien du temple. Je me chausse donc de ces ravissantes palmes 100% caoutchouc et pénètre derechef dans le magasin.
Outre la mine rigolarde des clients croisés sur mon passage, je jubile en voyant celle, déconfite, du pseudo-humanoïde tenant lieu de chasse intruse. A ma vue il reste bouche bée, attendant ainsi limprobable mouche assurant son déjeuner mais qui aura préféré éviter ce gouffre édenté aux odeurs démoniaques. Cet homme mettant ainsi à jour létendu de son malheur mental, minspire un savoureux mélange de pitié et de joie infinie. Je décide alors de lachever pour ne point le faire souffrir et pour éviter de le laisser tel quel à la vue des nombreuses ménagères et caissières qui en auraient bien plus souffert que lui.
" Alors, il est content ? Elle est pu pieds nus maintenant Elle peut rentrer dans le magasin ? Il veut aut chose ? " (mon Dieu, pardonnez moi davoir manqué de charité avec ce pauvre desprit Mais ce fut tellement bon).
Sans attendre sa réponse (jaurais pu attendre longtemps), jentrais dans le magasin et fit réparer la breloque, conservant toujours les palmes aux pieds et mon fou rire par-dessus le marché.
Cette histoire, totalement authentique, démontre à lévidence quil nest pas bon de donner un semblant de pouvoir aux crétins débutants ou finissants sous peine de les voir devenir rapidement des bourreaux acharnés, trop heureux de faire chier les gens heureux parce ce quils ne le sont pas eux-mêmes Lhistoire en compte plein de ces pourfendeurs de moineaux qui chantent que ce soit Hitler, Le Pen, ce vigile ou mon voisin .. lhistoire en compte plein
Trop.
Beaucoup trop.
Artefax
Dernière mise à jour :
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