Avatars sommes nous des êtres vivants ?
L’histoire commence dans un des recoins du 2m, un samedi grisâtre
de l’hiver. A l’origine une question simple « mais qu’est ce qu’on
fait là ? », puis des réponses moins simples... un court
débat, puis une interrogation commune avec Thieum, que je pense
commune avec d’autres personnes. Y’a t’il une vie dans le 2M ? C’est à
dire retrouve t’on dans le 2M, les éléments nécessaires
et indispensables à la mise en place d’échanges, de partages,
de découvertes, caractéristique du lien social, de ce qui
fait la vie ici bas dans le 1M. En clair sommes nous seuls ou non devant
l’écran de notre ordinateur?
Certes le 2M se distingue par ses accueils, ses animations, ses clubs,
sa famille, son journal, ses boutiques, et tout ce que chacun a pu y amener.
Une auberge espagnole en quelques sortes, ouverte à tous pour le
meilleur et pour le pire. En soi une initiative louable, et théoriquement
intéressante.
Malheureusement le fait est que la mayonnaise ne prend pas. Combien
d’entre nous se connectent un peu par hasard, pour voir si aujourd’hui
il n’y aurait pas un tel ou une telle... qui trouvons lui, elle ou d’autres,
et qui nous apercevons qu’on n’a finalement pas grand chose à dire
ou à faire. Combien de fois en quittant le 2M n’éprouve t’on
pas ce petit sentiment de frustration, une je ne sais quoi de dépit,
léger mais présent.
La multiplication des animations, des options en tous genres, ne paraît
alors que comme une fuite dérisoire, une tentative désespérée
de mettre un semblant de vie, d’impliquer le plus possible les citoyens
dans un nouveau monde, notre 2M... mais nous restons, et moi le premier,
des citoyens virtuels. Il y a bien entendu des exceptions, et je leur adresse
toute ma reconnaissance pour leur investissement, mais ils ne sont pas
légions, fidèles parmi les fidèles, ils sont issus
la plupart de l’ancien 2M celui de cryo (je ne soulèverai pas d’anciens
et stériles débats puisque la page est définitivement
tournée).
Alors que penser de ces aficionados du 2M, des accrocs asociaux comme
l’imagerie populaire aime à définir les internautes, des
idéalistes d’un nouveau genre ? Pourquoi seulement une paire de
personnes se sentiraient réellement investies d’une vie sur le 2M,
alors que d’autre la plupart ont encore du mal à y trouver leur
marque ou leur intérêt malgré des visites régulières?
Outre le fait que ces aficionados constituent une portion congrue des
citoyens du 2M, leur intérêt peut aussi s’expliquer par une
maîtrise technologique plus grande, leur investissement personnel
étant plus lié à l’aspect innovateur du 2M qu’à
ses véritables objectifs humains. Mais je laisse aux intéressés
le loisir de me répondre.
Je pense, et je ne parle pas pour moi seul mais aussi pour tout les
anonymes qui s’y reconnaîtront, que résoudre justement la
question de l’accessibilité et l’ergonomie (pour ne pas dire humanisation)
du 2M résoudra aussi le fond du problème. Que nous le voulions
ou non, nous sommes tous des êtres sensibles, dotés d’outils
d’explorations de notre environnement très perfectionnés...
et d’un esprit pour les comprendre et les interpréter. Limiter notre
exploration de notre environnement, c’est limiter notre humanisation.
Il y a à ce sujet plusieurs aspects à prendre en compte
dans le 2M, pour en expliquer les travers et les attraits :
L’aspect ludique, indéniable c’est lui qui assure son fonctionnement,
son succès. C’est lui qui attire les visiteurs anonymes, c’est lui
qui crée l’ambiance de convivialité, d’interactivité.
Pouvoir découvrir un univers virtuel est une expérience grisante,
que chacun d’entre nous affectionne. Et dans le 2M c’est son attrait premier.
Par ailleurs cet aspect ludique permet de créer une ambiance de
détente, il remplace pour beaucoup « l’épisode débile
mais reposant du soir après le boulot ».
L’aspect social, plus contestable et pourtant indissociable de l’instauration
d’une véritable vie dans le 2M, et en a été un des
principes fondateurs. Le 2M sans les relations humaines n’est plus une
réalité virtuelle, mais un simple jeu, un énième
univers 3D. Et ici j’en profiterai pour faire quelques remarques en ce
qui concerne justement les relations sociales dans le 2M :
D’une part un des aspects les plus marquants du 2M est cette proportion
à céder au clanisme, version moins sympathique de la célèbre
famille, il en est une déviance, un des aspects qui lui sont attachés
les plus négatifs. La collectivité se resserrant, se fermant
hermétiquement, et inconsciemment au monde extérieur. L’aspect
clanique du 2M rend l’arrivée des nouveaux venus difficiles, voir
désagréable et ce malgré le gros effort des accueils.
Nous ne fonctionnons pas de la même manière que dans la vie
courante, dans le sens où nos discussions privées ou tout
du moins personnelles se passent aussi dans un cadre public, cadre dans
lequel les nouveaux arrivants se trouvent contraints d’y trouver une place,
ce qui ne va pas toujours sans mal. Par ailleurs cet aspect clanique est
un piège, aucune véritable relation 2M n’est une relation
d’engagement réciproque, elles restent superficielles et constituent
de véritables miroirs aux alouettes ou chacun d’entre nous un jour
ou l’autre finissons par tomber. Il est en effet difficile d’établir
une relation de confiance, de respect, quand il est si facile de se cacher
derrière l’anonymat d’un pseudo et la bonne volonté de quelques
phrases échangées. L’universalité du net est une lame
à double tranchant, suis je tolérant parce que je parle à
des inconnus beurs, blancs, blacks, juifs, homo, ou orthodoxes... puis je
être tolérant par ignorance entière et totale, déshumanisée,
de l’individu auquel je m’adresse ? L’hypocrisie des relations à
visages masqués et un piège, contre lequel nous avons tous
envie de lutter... mais se révéler au grand jour, sous l’éclairage
blafard de la technologie est un risque énorme, sans compter les
dérives potentielles (pédophilie, harcèlement...). Malgré
cela, cette impersonnalité est conciliante, et le retour dans la
communauté d’une brebis égarée se fait très
rapidement... facilitée par la superficialité et l’anonymat
des échanges. Avantage de l’inconvénient, qui permet de garder
la grande masse des fidèles.
Mais d’autre part l’arrivée permanente de nouveaux arrivants
dans la zone d’accueil, perturbe continuellement les discussions, qui se
trouvent le plus souvent ramenées à leurs points de départs,
ou éludées, ce qui ne facilite pas un véritable échange.
Les discussions tournent alors autour de lieux communs ou avec un peu de
chance, sur quelques sujets intéressants mais rarement débroussaillés.
A ces premiers points vous me direz que les PC et les autres cellules
du 2M constituent des solutions simples et efficaces. Et ils permettent
en effet un échange limité mais privilégié.
Malheureusement je ne pense pas qu’une PC soit un modèle de relation
sociale dans un groupe, et d’autre part la relative faible fréquentation
du 2M rend l’éparpillement des citoyens difficile et contraire aux
objectifs (selon moi) du 2M. Pourquoi venir sur le 2M pour rencontrer 3
avatars dans un coin, certes en 3D... mais seulement à 3, et de manière
limitée. Il n’est qu’à juger de la durée des échanges
ainsi crées... 15 minutes maximum en moyenne (d’expériences
personnelles).
En ce qui concerne la superficialité des échanges, on
peut toujours avoir beau jeu de flatter le caractère détendant
et léger du 2M. Je pense néanmoins, et sans me faire la moindre
illusion, qu’il est aussi de la responsabilité de chacun de minimiser
au maximum les jeux d’apparences. C’est une règle qui s’applique
d’elle même entre individus dans le 1M, dure à mettre en place
dans le 2M, et qui a aussi des effets pervers. Dois je réellement
m’investir des relations faites sur le 2M, quelle limite dois je mettre
entre ma vie 2M et 1M... où se trouve mes intérêts et
mon équilibre ?
Enfin une autre réalité concerne les silences, qui dans
le cadre d’une relation sociale 1M constituent de véritables modes
d’échanges entre les individus. Or un silence dans le 2M du fait
de la non-présence effective de l’individu concerné, revient
à une absence. Le mode d’échange et de relations dans le
2M passe nécessairement par le dialogue... ce qui amène à
des situations invraisemblables, des délires qui s’ils ont une certaine
saveur, que je ne conteste pas, sont quelque part de l’anti-communication.
Vous me direz que cette remarque n’a pas de sens, mais il me semble que
c’est justement ce manque de présence qui handicape les échanges.
Combien d’entre nous agrandissons au maximum la fenêtre de dialogue
au dépens de la fenêtre graphique. Cette attitude s’explique
et permet de faciliter la discussion... qui encore une fois prend le pas
sur la communication. La communication la vrai, nécessite en effet
autre chose qu’une simple fenêtre de dialogue .. les émotions,
les macros, les avatars programmés ne sont qu’une réponse
partielle. Je pense qu’il serait vraiment intéressant d’explorer
plus à fond ce domaine. On ne pourra se contenter si on veut évoluer
vers une véritable communauté, en terme d’échanges
et de communications entre individus, en terme aussi d’investissement émotif
et personnel, qu’à partir de solutions plus ergonomique. Des solutions
moins concentrées sur le clavier, des solutions ou l’avatar sera
plus qu’une expression de la création artistique ou de l’originalité
de son heureux propriétaire, mais véritablement un reflet
de l’individualité et des humeurs. Bien entendu ces solutions ne
sont pas pour demain, et je pense que certains aménagements du 2M
peuvent dores et déjà améliorer la situation. Par
ailleurs ces aménagements sont évidemment à reprendre
dans la création du 3M. Il faut impérativement éviter
que les mondes virtuels ne soient qu’un immense miroir, projection consciente
ou non de nos propres illusions, une relation limitée de soi à
soi devant le reflet électrique de notre écran.
Je propose aujourd’hui quelques solutions sommaires, et qui sont loin
d’apportées des réponses définitives, mais ce sont
déjà des premiers pas.
Ainsi une différenciation entre plusieurs grands lieux d’accueils
à thèmes, permettrait de diminuer le turn-over des arrivées/départs,
de partager les citoyens selon leurs centres d’intérêts personnels,
et faciliterait ainsi les véritables échanges. Un accès
filtré aux cellules pendant les heures des clubs ou des animations,
permettrait de conserver la qualité de ces derniers... avec l’inévitable
contrepartie... le cloisonnement. Mais je crois qu’aujourd’hui il est illusoire
de compter sur le respect de chacun. Je ne le condamne pas, en désespoir
de cause, tout le monde un jour ou l’autre finit par squatter des discussions
dans lesquelles il n’a pas forcément sa place ; la recherche d’une
véritable relation d’échange mène parfois à
de drôles de situations... très superficielles, et pourtant
désespérément convoitées.
D’autres aménagements pour accroître l’ergonomie du 2M
sont aussi à penser... des touches raccourcis pour les expressions
corporelles, les macros... Afin de faciliter le plus possible et par tout
les moyens un axés humanisé, reproduire une partie plus importante
de ce qui fait les confrontations sociales dans le 1M. Par ailleurs peut
être devrions nous mettre en place de véritables animations,
c’est à dire des lieux à thèmes ou une personne se
chargerait d’animer, mais surtout de mettre en relation les gens entre
eux, qui sans intervenir directement sur les débats présenterait
les nouveaux arrivants, relancerait les discussions, aiderait aux échanges...
Ce n’est aujourd'hui pas du rôle des accueils, qui se doivent d’assurer
les conseils techniques, et de présenter l’actualité du 2M.
Je crois que ce rôle peut échoir à chacun d’entre nous,
et plus particulièrement aux responsables des clubs et des animations.
Le paradoxe aujourd’hui est bien là, le plus grand réseau
d’échange de savoirs et de connaissances qu’est le net, est complètement
incapable de mettre réellement les individus en relation les uns
avec les autres. Peut être aussi manque t’on de recul ou de maîtrise
vis à vis de cet outil, peut être nous faut il progressivement
nous adapter, mais je crois qu’on y perdrait toute notre humanité.
Non il me semble que c’est encore à nous de le faire, d’inventer
sans cesse de nouvelles solutions, de rendre encore plus conviviale ce
qui n’est encore qu’un magma de technologie.
Théo ;-b - UIN 12466154
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