L A     L A N G U E     B I E N     P E N D U E
 
N°0007 - PAGE 3
MERCREDI 10 MARS 1999
FONDATEUR: LA GUILDE DES LUEURS
 

Le point de vue de MadZep

"Un numéro spécial de l'Etincelle consacré à Altern va sortir. Si vous voulez écrire une bafouille …. " Voilà ce que j'ai trouvé dans ma B.A.L. " OK, je vais tâcher de faire un petit quelque chose " que j'ai répondu. En qualité de membre du comité 2m-Altern, c'est bien le moins que je pouvais faire.

Mais ce matin (celui du jour où j'écris, pas celui du jour où vous me lisez, soyons précis), après avoir étudié le sujet sous tous les angles, tourné et retourné l'affaire en tous sens, j'ai eu comme un flash de conscience évident : - et croyez bien que quand on en a pas l'habitude, ça surprend - que pourrais-je ajouter que d'autres n'aient encore fait état avec bien plus de style, d'aisance et de compétence que moi ? Rien ! Nada ! Que dalle !

Je n'écris pas ça par excès de fausse modestie, encore moins en pensant que plus rien n'est à dire ou à faire. Seulement, à la relecture de tout ce qui est paru comme points de vue, prise de position, soutien, babillages inutiles et autres brassages de vent, j'en suis arrivé à la même conclusion que le second candidat des chiffres et des lettres après l'énoncé du résultat de son rival : pas mieux.

Mon intention n'étant pas non plus de synthétiser cette manne politico-juridico-citoyeno-man's land qui a déferlé sur nous ces dernières semaines - et quand bien même fut-ce le cas, il m'aurait fallu citer toutes mes sources sous peine de me voir taxé de tenter de récupérer à mon seul profit ce mouvement de solidarité à Valentin Lacambre (ne riez pas de cette tendance paranoïaque, j'en connais à qui c'est arrivé il y a peu) - je n'avais plus qu'à remettre mes scribals projets dans ma culotte.

J'étais donc sur le point de déclarer forfait. Je me préparais mentalement à annoncer à ma rédactrice en chef que je renonçais à cette tâche ô combien noble mais pour le moins délicate non sans une certaine appréhension ; en effet, chacun ou presque connaît son mépris des volontés faibles, son caractère véhément et ses accès de violence mailistiques qui font, aux dires de ses admirateurs (elle en a) tout son charme (elle en a aussi). Sentiment que je partage, certes, lorsqu'il n'est pas dirigé contre moi et qui me laissait donc enclin à prendre quelques précautions pour lui transmettre la nouvelle. Unique alternative s'offrant à moi : renoncer ou pondre un insipide galimatias dégoulinant de bonnes intentions. Dans les deux cas, le courroux suprême risquait fort de s'abattre sur ma fragile personne.

C'est donc dans cet état de profond délabrement moral que j'abordais ma journée. Pour tenter d'oublier un instant ce cruel dilemme, je me plongeais derechef dans mes activités professionnelles contrôlant ça et là le labeur de mes subordonnés forts occupés à éduquer avec vigueur et conviction les chères têtes blondes que certains parents inconscients osent encore nous confier. Puis, n'y tenant plus, je narrais à chacun les suites de l'affaire Altern ainsi que mon émotion coupable.

Quand soudain, jailli d'une bouche en cœur qu'entourait un visage poupin aux joues rebondies, une réflexion que je tente de vous rapporter in-extenso : " Ben putain, le mec qui a lâché les photos d'la bonn' femme à poils, y doit avoir les boules de s'montrer quand y voit l'bordel qu'il a foutu " et de rajouter " moi à sa place, j'me planqu'rais dans un trou et j'me f'rais tout p'tit finaud ".

L'éclat de rire passé, je prenais toute la mesure contenue dans cette juvénile sentence vertement prononcée.

Qui, jusqu'à aujourd'hui, s'est intéressé aux états d'âme de ce fautif encore jamais inquiété par la justice ?

Qu'en est-il de celui par qui le scandale est arrivé ? Tout ce qu'on connaît de lui, c'est son nom : anonyme webmestre. Du reste, on ne sait rien. J'ose espérer que cette personne, indubitablement prise d'une incommensurable envie de faire partager ses priapiques ardeurs à la lecture d'un magazine people, s'est donné la peine d'aller signer les différentes pétitions et participer, même symboliquement, à la collecte de dons.

Mais comme le disais mon jeune joufflu du haut de ses 11 ans, il doit être mal dans ses grolles. Certes, il n'a pas du mesurer les conséquences de son acte puéril en publiant ces photos. Certes, devait-il penser que le web était à l'abri de ce genre de répression puisqu'il est un espace d'expression libre. Etait devrais-je dire au vu de la polémique qui a débuté depuis la condamnation de Valentin Lacambre.

Liberté d'expression jusqu'à quel point ? Celui de la loi actuellement en vigueur et qui concerne le droit à l'image ou la condamnation de l'incitation à la haine raciale ?

Nul n'est censé ignorer la loi se plaît on à répéter. En l'espèce, peut on condamner un homme pour l'avoir mis en application en supprimant de son serveur le site incriminé dès lors qu'il a eu connaissance de son contenu ?

Mais il semble bien qu'il n'y ait pas de loi suffisamment réfléchie en ce qui concerne l'Internet et c'est bien là que le bas blesse. Altern fait les frais de ce flou juridique au moment même où le parlement européen propose une directive protégeant les hébergeurs de telles poursuites.

En matière de législation et de justice, le soucis premier des faiseurs de textes comme des plaignants devrait être de faire acte pédagogique plutôt que répressif.

Dans le cas d'Altern, une discussion amiable entre Madame H., Valentin Lacambre et notre anonyme webmestre, appuyée par une couverture médiatique appropriée aurait eu des vertus bien plus éducatives qu'une condamnation injuste qui ne réglera jamais le fond du problème : le droit de tout un chacun au respect de sa vie privée et les démarches à entreprendre auprès du public pour l'en convaincre.

J'imagine bien la poursuite du mouvement à travers une réflexion commune sur la manière de sensibiliser les webmestres et les surfeurs à une véritable action citoyenne, celle du respect d'autrui dans ses différences, celle qui prend sa source dans la déclaration universelle des droits de l'homme. Une page, rien qu'une page, identique sur chacun des sites adhérant au mouvement. Une utopie ? Pas si sûr.

Ce qui est sûr, par contre, c'est que personne ne sort gagnant de cette histoire ; Valentin Lacambre subit le préjudice causé par un tiers ; Madame H. ne sort pas grandie de cette affaire en maintenant l'application du jugement.

Quand à l'anonyme, sa conscience doit le titiller fortement et l'on comprendra qu'il puisse vouloir rester tel que son nom l'indique.

Souhaitons que ce dernier ait pu contribuer, malgré lui, par la mobilisation de milliers de personnes, à ce qu'une réglementation adaptée à l'évolution technologique sur le modèle de l'article du parlement européen soit enfin débattue et votée à une large majorité. Ce jour venu, la France aura fait un pas de plus hors du moyen âge dans lequel elle a parfois tendance à se complaire.

MadZep

 

TOURNEZ LA PAGE >